L’agriculture biologique offre de nouvelles opportunités à la Tunisie, notamment en termes d’exportation. Mais compte tenu d’une production limitée, les producteurs ne sont pas toujours en mesure de satisfaire une demande importante et profiter des prix élevés pratiqués sur le marché mondial.
La Tunisie a déjà acquis une longue expérience dans le domaine de l’agriculture biologique. Mais comparée à d’autres pays du monde, notamment ceux d’Europe, l’expérience tunisienne s’avère limitée. D’où la nécessité de redoubler d’efforts en vue d’atteindre un palier supérieur, en termes de production, d’innovation et, surtout, d’exportation. Produit très prisé et apprécié par les consommateurs du monde entier, vu ses vertus sur la santé, le produit biologique peut conquérir facilement les marchés de consommation. L’écosystème de ce produit est composé de deux opérateurs, à savoir l’agriculteur, qui produit le fruit ou le légume à exporter, et l’industriel, qui est chargé de la transformation et du conditionnement. Ces deux opérateurs travaillent en symbiose pour présenter le meilleur produit.
Les fournisseurs des produits biologiques de par le monde sont nombreux, ce qui a créé une concurrence acerbe sur le marché. Chaque producteur veut, en effet, se positionner sur le marché en faisant valoir la qualité de ses produits. Les prix pratiqués diffèrent d’un fournisseur à l’autre. Evidemment, les grandes chaînes de distribution et les centrales d’achat privilégient, en premier lieu, la qualité du produit qui doit être conforme aux standards et normes internationaux. On tient compte aussi du prix appelé à être compétitif même si le coût de la production ne cesse d’évoluer d’une année à l’autre, à cause des ajustements opérés au niveau des prix des matières premières et des intrants. Mais les professionnels qui ont choisi de s’adonner à cette activité sont conscients des risques encourus et des bénéfices importants qu’ils peuvent avoir si leur projet réussit.
Les conditions de réussite
En fait, rien n’oblige l’agriculteur ni l’industriel à opter pour le biologique qui demeure un secteur rentable pour celui qui sait l’entretenir selon des techniques scientifiques avancées. L’agriculteur doit, d’abord, annoncer aux services compétents que sa terre sera préparée pour une agriculture biologique. Pour ce faire, aucun produit chimique ou autre ne doit être utilisé lors du labour, de la plantation et de l’évolution des fruits ou légumes. Généralement, les agriculteurs utilisent à profusion les insecticides pour lutter contre les insectes ou bactéries qui peuvent avoir des impacts négatifs sur la qualité du fruit et même l’endommager. Or, de tels produits sont souvent une cause qui dénaturent aussi le fruit et affectent son goût. Mal lavés lors de la consommation, ces fruits peuvent être source de maladies. Le traitement du fruit a donc un effet bénéfique et un autre effet désastreux. D’ailleurs, les agriculteurs traditionnels ont toujours été appelés à utiliser de façon rationnelle ces produits chimiques et ces pesticides pour ne pas subir des dommages.
L’agriculture biologique se distingue donc par cet aspect sain, dans la mesure où les produits chimiques ne sont pas utilisés et c’est déjà un acquis important réalisé. Les agriculteurs doivent se conformer aux normes de l’agriculture biologique en vigueur, sinon leur demande ne sera pas acceptée. L’agrément obtenu n’est pas définitif et il peut être retiré à tout moment si l’agriculteur ne respecte pas ses engagements ou si la terre agricole connaît un changement avec l’introduction des matières chimiques prohibées. Généralement, les produits bio font l’objet d’un conditionnement confié aux industriels, mais il existe aussi des produits bio vendus à l’état frais. Le conditionnement concerne une large palette de fruits comme les compotes de prunes, pommes, pêches, fraises… Les industriels s’intéressent aussi de plus en plus à l’huile d’olive biologique, au miel, aux dattes et aux olives. Les industriels qui choisissent d’opérer dans ce secteur sont tenus, eux aussi, de mettre en place des unités de conditionnement propres, en veillant à ne pas introduire un ajout chimique ou autre qui pourrait changer le goût ou la texture du produit.
Prospecter de nouveaux marchés
Des contrôles sont effectués aussi bien sur les terres agricoles que sur les unités de conditionnement par les spécialistes pour s’assurer qu’aucun intervenant n’enfreint à la réglementation en vigueur. Au cas où les normes ne sont pas respectés, des mesures sont prises à l’encontre du fautif qu’il soit agriculteur ou industriel. Une fois le certificat de produit biologique reçu, l’industriel peut commercialiser son produit aussi bien sur le marché local que sur le marché international. Le label «Produit biologique» ouvre la voie de l’exportation. Malheureusement, cette opportunité n’est pas totalement exploitée par les industriels tunisiens et encore moins par les agriculteurs pour diverses raisons. D’abord, parce que les quantités de produits bio proposés sont limitées, ce qui ne permet pas d’approvisionner un marché comme celui de la Chine qui exige des tonnes de fruits conditionnés.
C’est le cas également du marché européen qui compte des millions de consommateurs prêts à payer le prix fort pour acheter tout produit biologique. Compte tenu de l’exiguïté des terres agricoles spécialisées dans l’agriculture biologique et de la majorité des agriculteurs qui s’adonnent aux activités agricoles traditionnelles, il n’est pas possible d’accroître d’une façon spectaculaire les produits biologiques malgré les opportunités qui se présentent. Pour pouvoir concurrencer les grands producteurs mondiaux dans ce domaine, la Tunisie doit élargir son champ de production en invitant les agriculteurs à s’orienter davantage vers ce type de produits qui peut rapporter beaucoup de devises à notre pays et améliore le revenu des producteurs.
Pourtant, l’Etat a mis en place tous les ingrédients susceptibles de promouvoir ce secteur au double niveau agricole et industriel. Outre le cadre juridique moderne qui s’inspire des expériences réussies dans les pays de l’Hexagone, on dispose de laboratoires et d’équipements de contrôle qui garantissent des produits biologiques de qualité, conformes aux normes nationales et internationales. Tout un écosystème a été installé pour favoriser la production et le conditionnement de ces produits. Au niveau national, les consommateurs se plaignent souvent de la cherté des produits bio, ce qui les empêche de les acheter, compte tenu d’un pouvoir d’achat en érosion.
Le bio, une solution pour le futur
Au niveau international, les acheteurs sont plutôt satisfaits des produits exportés par la Tunisie, ce qui augure d’un avenir prometteur au cours des années à venir. Encore faut-il que les quantités des produits à exporter soient d’un niveau élevé pour pouvoir satisfaire les marchés demandeurs de produits biologiques et ils sont nombreux, ne serait-ce que dans le continent européen qui est capable, à lui seul, d’absorber des tonnes d’oranges, de dattes, d’huile d’olive, de miel et autres. De plus, on a constaté que les exportateurs tunisiens se limitent à quelques produits —comme l’huile d’olive et le miel— au lieu d’élargir la palette des fruits et légumes exportables et c’est bien dommage de ne pas pouvoir exploiter ce gisement qui peut rapporter gros à notre pays.
L’objectif est de maintenir le niveau des exportations et pourquoi pas les accroître, en menant une campagne de marketing agressif sur le plan mondial afin de cibler de nouveaux marchés. Mais auparavant, les agriculteurs et les industriels doivent se réunir pour examiner l’état des lieux du secteur dans toutes les régions avant de s’engager à produire plus. Une campagne peut être également menée au niveau national pour inciter de nouveaux agriculteurs à adhérer au club des produits biologiques. Une coopération avec d’autres pays voisins (comme l’Algérie et la Libye) est également envisageable afin d’augmenter la production et investir, ensemble, les marchés internationaux.
La Tunisie peut prêter son expérience à d’autres pays qui veulent se lancer dans l’agriculture biologique et l’industrie du conditionnement dans le cadre d’un partenariat qui peut ouvrir la voie à de nouveaux marchés. Plusieurs producteurs tunisiens ont, en effet, réussi, depuis des années déjà, à produire et à exporter leurs produits bio vers les quatre coins du monde. Ces mentors qui ont accumulé des années d’expérience sont en mesure de soutenir les jeunes diplômés pour monter leur propre projet et de renforcer une offre qui demeure limitée malgré la bonne volonté des producteurs.